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Les élèves de Toulouse

Voici un ensemble de photos, articles et interviews transmis par 5 élèves du Lycée Barral de Castres en souvenir de cette commémoration du 70ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau.
Etablissement partenaire : Le Mémorial de la Shoah de Toulouse (antenne)

« Emotion !  C’est bien le mot qui a accompagné le groupe formé par 12 « anciens » de l’enseignement de défense et leur professeur tout au long de cette journée du souvenir dans la Ville rose…  Ils ont été les premiers arrivés  à l’espace Boulingrin près du Grand Rond  où a été érigé un monument à la mémoire des 6 millions de Juifs  assassinés dans les camps de la mort par les nazis.  6 portiques métalliques disposés en rond : un pour chaque million d’innocentes victimes du régime totalitaire le plus abject de l’histoire contemporaine.

Ils ont bravé le froid mordant comme tous les autres participants venus, comme eux,  commémorer  le 70ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.  Ils ont amené leur pierre à l’édifice du recueillement par une tenue impeccable tout au long de la cérémonie. A ce propos, la tenue des petits CM2 de l’école de Rangueil , venus pour lire des poèmes en hommage aux déportés et aux  résistants toulousains, a été exemplaire !

Ils ont participé à la lecture du message de Simone Veil, déportée à Auschwitz et survivante de la Shoah. Dans ce message, elle transmet aux jeunes générations  la mémoire de la Shoah en leur demandant de la transmettre à celles qui viendront ensuite… Ne pas transmettre, c’est  favoriser la propagation « du poison du racisme, de l’antisémitisme, du rejet de l’autre, de la haine qui ne sont l’apanage d’aucune époque, d’aucune culture, ni d’aucun peuple. » La présence à  cette cérémonie de deux représentants de la communauté tutsie, victime il y a de cela vingt ans de la violence génocidaire des Hutus, est la parfaite dramatique illustration de cette citation…

Ils ont aussi répondu aux questions des représentants de la presse locale en insistant sur leur motivation dopée  par les projets construits à partir de l’enseignement de défense : un travail de recherche l’an passé sur « Les Juifs dans le Tarn pendant la 2nde Guerre mondiale : assignés, déportés, résistants » et un autre cette année sur « Les lieux de mémoire et les camps d’internement dans le Sud Ouest de la France ». Ce dernier ayant d’ailleurs permis à un petit groupe de leurs camarades d’aller à Paris afin de participer, durant 3 jours, à la même démarche commémorative.

Enfin, après une réconfortante pause déjeuner dans l’arrière-salle d’un bistrot toulousain, ils ont terminé leur journée citoyenne par une visite, magistralement commentée par Maurice Lugassy professeur  et coordinateur toulousain du Mémorial de la Shoah, du circuit de la Mémoire de la Toulouse résistante.

Le retour sur Castres se fit dans le silence… Une façon de prolonger l’hommage en se remémorant le poignant chant traditionnel de M. le Rabbin qui avait clôturé la cérémonie du matin : « pour les morts d’Auschwitz mais aussi de Maïdanek, Treblinka, Belzec, Sobibor et Chelmno… »

Paul Henry Marty 

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Entretien avec trois lycéens du lycée Barral de Castres après le séminaire « Les jeunes contre l'oubli »

Ce séminaire s'est déroulé du 25 janvier au 28 janvier 2015, à l'occasion des 70 ans de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, où plus d'un million de Juifs ont été exterminés par les Nazis durant la seconde guerre mondiale.

Ce séminaire était à la fois un moyen de commémorer ces événements, et un moyen de réfléchir à la transmission de la mémoire de la Shoah.

Ces trois élèves viennent du lycée Barral, à Castres. Au total, ils étaient cinq élèves de ce lycée à rejoindre les 65 autres jeunes du séminaire. Ils nous racontent leur expérience, avec leurs mots à eux, plein de sensibilité et de sincérité.

Anne-Lise, 16 ans, élève en Première

Si tu devais retenir une phrase parmi tous les discours que tu as entendus, ce serait laquelle ?

Je ne sais plus trop... si, j'ai retenu les chiffres importants, que l'on nous répétait dans les discours : 76 000 juifs déportés de France, dont 11 000 enfants, 6 millions de Juifs ont été exterminés en tout. Je me souviens aussi d'une formule que je n'avais pas entendue jusque là, et que l'on nous a aussi répétée : « déportés parce que nés juifs ». Et puis, il y avait un message de tolérance, surtout de la part des déportés. J'ai aussi conscience que nous sommes des « témoins de témoins », puisqu'ils nous l'ont dit : nous sommes la dernière génération à pouvoir entendre leurs témoignages en direct.

Quel a été le moment qui t'as le plus marquée ?

Les regards des gens m'ont marquée. Surtout celui d'Olivier Lalieu [ndlr : responsable de l'aménagement des lieux de mémoire et des projets externes du Mémorial de la Shoah]. Je crois qu'il y avait de l'espoir dans ses yeux et qu'il était rassuré. Rassuré parce que nous étions là, et que nous prenions ça à cœur. Le séminaire était un moyen de nous sensibiliser à la mémoire de la Shoah, à sa transmission. Cet objectif est atteint.

A propos des regards, il y en a un autre qui m'a particulièrement marquée. C'était durant la cérémonie à l'Unesco, le soir du mardi 27 janvier. Lorsqu'ils ont demandé aux déportés de se lever pour que l'on puisse les applaudir, d'autres personnes avaient mal compris et se sont levées aussi. Parmi tous ces gens debout, il y avait une femme vers le milieu de la salle. Elle avait les cheveux teints en rouge... je me suis dit : « Elle doit se tromper, ce n'est pas une ancienne déportée ». Puis ils ont demandé aux déportés, et aux déportés seulement, de se lever à nouveau. Alors, tous ceux qui s'étaient trompés se sont assis. Et cette femme aux cheveux teints est restée debout. C'était une ancienne déportée. Elle applaudissait. Elle avait les larmes aux yeux et elle regardait tout le monde. Je pense qu'elle était soulagée de pouvoir déposer peut-être toute sa souffrance, parce que les gens reconnaissaient sa souffrance, et qu'elle n'avait pas souffert pour rien.

Enfin, je me souviens de la cérémonie du ravivage de la flamme à l'Arc de Triomphe. Ce qu'il faut savoir, c'est que depuis 1923, lorsque la flamme a été allumée pour la première fois, il n'y a pas eu un seul soir sans que la flamme ne soit ravivée. Même pendant la seconde guerre mondiale, les occupants allemands ont laissé la cérémonie avoir lieu chaque soir.  Et ce mardi 27 janvier 2015, c'est nous qui l'avons ravivée. Alors, quand tu participes à la perpétuation d'un symbole comme celui-ci, tu te rends compte que tu participes là-aussi à la transmission de la mémoire. Et puis, même si le soldat inconnu est mort durant la Première Guerre mondiale, c'est aussi une tombe universelle. Une tombe pour toutes les victimes de ces guerres et des totalitarismes.

Enfin, je voudrais ajouter que l'on a vécu pas mal de moments forts alors c'est difficile de choisir. Les émotions étaient condensées, ces quatre jours ont été extraordinaires. Chaque jour, à chaque heure, nous avons vécu des moments forts.

Perrine, 16 ans, élève en Première

Si tu devais retenir une phrase, parmi tous les discours que tu as entendus, ce serait laquelle ?

... Attends, que je me souvienne... Je ne sais plus dans quel discours il a été dit que l'expression « Plus jamais ça » n'avait pas de sens lorsqu'elle était répétée à tort et à travers, et surtout si l'on n'agissait pas au quotidien.

As-tu déjà réfléchi à comment tu vas transmettre la mémoire de la Shoah ?

Oui, j'y ai réfléchi. Mais ça m'angoisse, parce que c'est une lourde responsabilité. J'ai peur d'oublier des choses, de déformer ce que m'ont raconté les déportés. Et je regrette que les témoins disparaissent, parce que ce sont eux qui m'ont le plus enrichie.

Mais le projet de Valérie Pietravalle, la professeur d'Histoire avec qui nous avons travaillé,  me semble un très bon moyen de transmettre notre expérience [ndlr : elle leur a proposé de raconter leur expérience à d'autres élèves plus jeunes, et travailler avec eux sur le devoir de mémoire. Ces élèves transmettront à leur tour la mémoire. Ainsi, madame Pietravalle espère former une « chaîne de la mémoire » ].

Pour conclure, je sais que nous sommes des « témoins de témoins », et nous, les 70 jeunes présents à ce séminaire, étions les représentants de tous les jeunes. En tant que tels, nous leur raconterons ce que nous avons appris, puisque nous étions aussi là pour tous ceux qui n'ont pas pu participer au séminaire.

Youssef, 16 ans, élève en Première

Qu'est-ce que tu as ressenti en voyant autant d'anciens déportés ?

Ce qui m'a le plus touché, c'est leur attitude, notamment lorsque la salle les a applaudi à l'Unesco. Malgré l'enfer qu'ils ont vécu, ils ont repris une vie simple. Ils sont même capables de s'ouvrir, pour témoigner. Ils peuvent même rigoler. Ils ont beaucoup de force.

Et toi, est-ce qu'il y a un discours qui t'as plus marqué que les autres ?

Oui, le discours de l'actrice Ysé Tran à l'Unesco se différenciait des autres. Elle a lu le manuscrit d'un déporté d'Auschwitz employé au Sonderkommando. C'était touchant, d'autant plus que l'actrice était elle-même émue. Elle avait les larmes aux yeux à la fin, et dans la salle on ne savait pas vraiment quand applaudir.

Clarisse
Je me trouvais au Mémorial à Toulouse et j'ai trouvé la commémoration très émouvante, on y sentait une unité assez rare due aux événements de Charlie Hebdo. De plus, la diversité des personnes présentes était très enrichissante et m'a conforté dans ce sentiment d'unité et de soutien. L'intervention des deux jeunes rwandais et tziganes était aussi un moment fort de la commémoration, ainsi que les enfants qui ont été particulièrement touchants. Enfin, je peux dire que cette cérémonie, plutôt simple mais dense en émotions, nous a rappelé à tous ce qu'est la mémoire et en quoi il est important de la partager ensemble.

Alexandre

Cette expérience a été très enrichissante, elle m'a permis de rencontrer des personnes extraordinaires et de vivre des moments inoubliables ainsi que de prendre conscience  des atrocités commises par le régime de Vichy lors de la seconde guerre mondiale. Cette année nous a permis de continuer le projet entrepris l’année dernière. Je voudrais remercier toutes les personnes qui nous on permis de vivre cette aventure.

Alison, 17 ans, élève en Première
Le coté fun de ce séjour, ce sont les jeunes juifs beaux, les repas conviviaux, le selfie avec Bartolone, tous ces jeunes qu'on a rencontrés. Les moments où on rigolait, avec Perrine et Anne-Lise [...]. Plus sérieusement, ces quelques jours m'ont permis de me recueillir, pour ces déportés juifs exterminés. Cet aspect « commémoration » a été important pour moi, illustré par la prière juive le soir du 27 janvier. L 'aspect « se souvenir » a également été essentiel. Je me posais toujours la question : « Dans ce que l'on est en train de me raconter, qu'est ce qui pourrait aider à la transmission de la mémoire ? » J'ai des pistes. La tolérance, bien sûr, l'espoir en l'humanité des gens. Découvrir les autres, ceux qui sont différents, pour les tolérer et éviter la méconaissance puis la peur et la haine de l'autre. Pour transmettre la mémoire, les médias et les arts sont primordiaux. Perpétuer la mémoire par les images, dans notre culture de l'image. Comment intégrer la transmission de la mémoire aux réseaux sociaux ? A propos des lieux de mémoire, c'est bien qu'il y en ait partout en France. Que les territoires régionaux gardent la mémoire de ce qui s'est passé chez eux. Enfin, ce que j'appelerais l' "individualisation de la mémoire" : au lieu de 6 colonnes représentant les 6 millions de Juifs exterminés, écrire plutôt le nom de chaque personne déportée. Son âge. Pour que les gens s'identifient.
Moi, qu'est ce que je vais faire maintenant ? Cette année j'ai 17 ans, je passe mon Bafa. Je travaillerai la mémoire et la tolérance avec les petits que je rencontrerai. Pourquoi ne pas faire se rencontrer des enfants du Mirail et des enfants de l'école Ozara Torah. Les cultures se mêlent et se tolèrent. [...] Les enfants ont tous un fond de pureté qu'il faut utiliser pour faire germer des valeurs, de l'amour. C'est la base.
Un mois et demi après... Je repense souvent au séminaire. Je crois qu'il a fait naître chez moi un certain attachement à la culture juive. Il m'arrive parfois d'écouter des prières en hébreu. Chaque parole antisémite me fait bondir. Comme avant, bien sûr. Maintenant, j'ai en plus envie d'agir concrètement contre l'antisémitisme, de faire changer les choses : ancrer définitivement le génocide juif dans l'Histoire de l'Humanité, ne plus connaître ce genre de catastrophes. Mais je ne sais pas comment agir dans l'immédiat. C'est le seul problème.
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Des lycéens de Barral à Paris pour les 70 ans de la libération d'Auschwitz

            A l'occasion des 70 ans de la découverte du camp d'Auschwitz-Birkenau, une vingtaine d'élèves de Première du lycée Barral de Castres a participé aux commémorations de cet événement. Le mardi 27 janvier, la majorité d'entre eux s'est rendue à Toulouse. La cérémonie s'est déroulée au mémorial toulousain, près du Grand Rond, qui commémore la déportation et l'extermination des Juifs. « Nous avons placé des bougies sous chaque arche du monument » raconte Alice. Accompagnée d'un camarade, Axel, elle a lu la lettre de Simone Weil adressée aux « jeunesses du XXIeme siècle ». « Des élèves de CM2 étaient  présents », rajoutent les deux jeunes lecteurs. « On sait ainsi que la mémoire continue d'être transmise aux plus jeunes que nous ».

            C'est pour réfléchir sur cette transmission de la mémoire que cinq élèves du groupe se sont rendus à Paris du dimanche 25 janvier au mercredi 28 janvier. Accompagnés de Valérie Pietravalle, professeur d'Histoire, ils ont participé au séminaire de lycéens « Les jeunes contre l'oubli », organisé par le Mémorial de la Shoah. Les 10 groupes de jeunes venus de toute la France ont chacun représenté un lieu de mémoire différent, sur lesquels ils ont pu échanger. « Chaque jour, à chaque heure, nous avons vécu des moments forts » raconte Anne-Lise. La journée du 27 janvier reste probablement la plus importante pour les cinq jeunes de Castres. Ils ont notamment suivi le discours de François Hollande au musée du Mémorial de la Shoah. Perrine et Alexandre ont pu voir le président proclamer son discours, au milieu de 150 anciens déportés. Les 70 jeunes ont ensuite été reçus à la mairie de Paris, ainsi qu'à l'Unesco. « Cette cérémonie qui s'est déroulée le soir à l'Unesco était un moment très marquant » témoigne Alexandre. Perrine ajoute : « Au moment où tous les jeunes  du séminaire sont montés sur scène, j'ai croisé le regard d'un ancien déporté. C'était intense, émouvant ». « Ces rescapés m'ont touchée aussi, surtout par leur attitude » souligne Youssef. « Malgré l'enfer qu'ils ont vécu, leur vie a repris. Ils ont même trouvé la force de s'ouvrir pour témoigner ».

Le séminaire s'est clôturé le mercredi 28 janvier, par une réception à l'Assemblée nationale, en présence de Claude Bartolone. Mais tous les jeunes sont conscients que leur devoir de mémoire continue au-delà. « Nous sommes « témoins de témoins », raconte Perrine, reprenant  l'expression de Robert Badinter entendue dans différents discours. « Mais c'est une lourde responsabilité. Je regrette que les témoins disparaissent, car ce sont leurs témoignages qui m'ont tant enrichie. J'espère restituer fidèlement ce qu'ils ont vécu ». Leur professeur Valérie Pietravalle les aidera à transmettre la mémoire à d'autres élèves: « Je leur demanderai de raconter leur expérience à des jeunes de Seconde l'an prochain, pour travailler avec eux le devoir de mémoire  ». Ils permettront ainsi de transmettre l'histoire de la Shoah, afin qu'une telle catastrophe ne se reproduise jamais.

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